Quelques jours après son entrée en fonction en tant que nouveau directeur général de la GSMA, Vivek Badrinath clarifie les domaines dans lesquels l’association peut bénéficier d’« ajustements », alors que les opérateurs reconnaissent la nécessité de travailler avec les nouveaux acteurs innovants dans l’écosystème mobile.
Dans le cadre de sa première rencontre avec les médias depuis son entrée en fonction le 1er avril après trois mois de passage du bâton-relai par son prédécesseur Mats Granryd, Vivek Badrinath met d’abord en avant les points forts de la GSMA : la profondeur de son expertise (notamment dans les données et les analyses relatives au secteur) et ses relations étroites avec les opérateurs, sans oublier les plateformes événementielles comme le MWC.
Vivek Badrinath estime cependant que la GSMA devrait « parler plus fort », en particulier dans le contexte des grands défis qui agitent la planète.
« Les tensions vont monter sur certains sujets, explique le directeur général. Je pense donc que nous devons maintenant nous appuyer sur nos apports pour être parfois plus présents, pour exprimer notre avis quand nous pensons que certaines politiques présentent un risque pour l’écosystème numérique ou que certaines décisions portant sur le spectre vont dans le mauvais sens. Nous devons utiliser cette capacité à rassembler et la légitimité que nous tirons de notre expertise pour faire résonner plus fortement nos idées. »
Vivek Badrinath remarque que si les investissements continuent d’affluer dans les télécommunications de base, « d’énormes sommes d’argent sont également investies dans l’IA, dans l’infrastructure numérique en général, dans le lancement de satellites ».
Selon lui, le dialogue est en train de changer : « Nous ne sommes plus systématiquement au centre de l’univers numérique. Nous devons l’accepter et travailler avec les autres grands acteurs, qui apportent de grandes innovations sur les marchés, pour faire grandir le gâteau. »
Style personnel
Ingénieur dans l’âme (il se décrit comme un « ex-CTO pur et dur »), Vivek Badrinath apporte à la barre de la GSMA l’expérience du plus haut niveau acquise non seulement dans la communauté des opérateurs (il a été directeur général adjoint chez Orange et directeur général régional pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie chez Vodafone), mais aussi dans la TowerCo Vantage Towers (dont il a été directeur général d’avril 2020 à mai 2023), sans oublier un passage de deux ans et demi à la tête d’Accor, multinationale française du secteur de l’hôtellerie et de la restauration.
« Je crois que c’est le bon moment de rassembler toutes ces idées parce qu’elles permettent de comprendre ce dont les maillons de cette chaîne ont besoin pour réussir, qu’il s’agisse des acteurs du B2B et de la technologie, des équipementiers et aussi les fournisseurs d’infrastructure », affirme le directeur général.
Le nouveau chef d’orchestre décrit son style personnel avec concision : « dur avec les faits, doux avec les gens. »
« Je pense qu’il ne faut jamais se voiler la face, précise-t-il. On a besoin des données. Si les chiffres sont mauvais, il faut le dire. Si les nouvelles sont mauvaises, on le dit aussi. Et il faut être doux avec les gens parce que nous venons ensemble au travail, où nous apportons une partie de notre énergie et de notre enthousiasme. Je pense qu’il est important de respecter les gens, d’avoir des conversations appropriées, de discuter, d’écouter. C’est important d’être doux avec les gens. »
Un terme qui revient souvent dans la façon dont Vivek Badrinath définit son style est le mot « impact ». Il souligne ainsi l’importance pour la GSMA d’être reconnue pour la « bonne gestion des fonds qui nous sont confiés par nos membres » et sa capacité à tirer un « impact maximal » de cet engagement financier.
« Voilà ce que nous disent nos membres, continue le nouveau directeur général. Ils nous disent « nous nous sommes rassemblés au sein de la GSMA pour la soutenir, alors faites quelque chose pour nous ». Or, faire avancer les choses ne se résume pas à un chiffre au bas d’un compte de résultat, c’est aussi impacter l’ensemble du secteur. Notre quête est donc celle de la pertinence. Il s’agit de la pertinence des opérateurs de téléphonie mobile et de la pertinence de la GSMA pour l’ensemble de l’écosystème. C’est ça que vous essayez de maximiser – pas l’EBITDA de fin d’année. »
Objectifs
Tout au long de l’entretien, Vivek Badrinath distingue les domaines clé qu’il s’agira de prioriser au cours des six à douze prochains mois.
Certaines des thématiques évoquées sont familières. Nous n’en sommes « qu’au début » de l’initiative API Open Gateway, souligne ainsi le directeur général, et devons aller plus loin. Combler le fossé d’accès au mobile qui touche 3 milliards d’utilisateurs est également « au cœur » de ses réflexions. Le rôle transformationnel de l’IA dans l’industrie « nous obligera à collaborer avec de nouveaux acteurs ». Et bien sûr, tout cela se produit dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et d’inquiétude de l’industrie face au retard accumulé par l’Europe.
« Notre rôle est de veiller à ce que notre capacité à grandir ne soit pas perdue pour de mauvaises raisons, et que la technologie puisse continuer à progresser, afin d’être disponible au prix le plus bas pour le plus grand nombre », martelle le directeur général.
Plus qu’une simple association
Aucun entretien sur la GSMA ne serait complet sans mentionner le MWC, le plus grand salon mondial de la technologie mobile.
Vivek Badrinath vient de participer au MWC25 de Barcelone, un événement qui, concède-t-il, a placé si haut la barre qu’il aura fort à faire pour l’aider à croître encore (l’édition de cette année a rassemblé 109 000 participants, un record).
Des changements radicaux ne semblent pas être à l’ordre du jour. « L’expression « pas besoin de réparer si ça marche », fait partie de mes mots d’ordres », note Vivek Badrinath.
Mais le nouveau directeur général se déclare tout prêt à travailler avec l’équipe commerciale de la GSMA (y compris le PDG de GSMA Ltd, John Hoffman) pour faire évoluer le MWC : « Je pense donc que les idées sont importantes. Discuter ensemble, encourager l’émergence de nouvelles idées, essayer de nouvelles choses. Le hall zéro (du site de Barcelone NDLR) va être disponible, ce qui nous offrira une nouvelle opportunité de croissance. Développons donc d’autres possibilités de rassembler les gens, j’ai des ambitions dans ce domaine. Et je sais que John et son équipe en ont aussi. Je travaillerai donc avec eux. J’ai deux ans d’expérience dans l’industrie hôtelière. Rassembler les gens et faire en sorte qu’ils se sentent bien dans ce qu’ils voient et ce qu’ils vivent est quelque chose qui me tient à cœur. Je serai à leurs côtés à chaque étape du processus. »
Vivek Badrinath tient enfin à rappeler l’importance du « troisième pilier » de la GSMA – la GSMA Foundation, division de la GSMA financée par des donateurs dont l’objet est de réaliser des projets visant à démontrer l’impact social, économique et climatique positif de la technologie mobile dans les pays à bas et moyens revenus.
N’étant pas à l’abri des tensions géopolitiques actuelles (en particulier lorsqu’il s’agit de financement), la GSMA Foundation est une branche dans laquelle « nous devons continuer à nous engager, souligne le nouveau patron. L’univers des donateurs évoluera, mais nombre d’entre eux s’engagent et nous soutiennent, et nous devons mener à bien ces programmes. »
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