Réélu le 6 novembre, Donald Trump va prendre les commandes de la présidence en janvier 2025. Faute de programme affirmé pendant sa campagne, l’industrie des télécoms reste dans l’expectative. Mike Robuck, rédacteur en chef chargé des États-Unis à Mobile World Live, tente de percer le brouillard d’un futur incertain…

Ni Donald Trump, ni Kamala Harris n’ont manifesté d’intentions ou publiés de programme relatifs aux télécommunications. Mobile World Live a donc demandé à plusieurs analystes de sortir leurs boules de cristal et de commenter ce qu’ils y voient.

De l’avis général, la conséquence la plus immédiate de l’élection est un changement très probable à la tête de la Federal Communications Commission (FCC). De par la loi, sa composition doit représenter les deux grands partis politiques, les cinq commissaires étant nommés par le Président et confirmés par le Sénat.

Pour Roger Entner, fondateur et analyste du cabinet Recon Analytics, Brendan Carr devrait de toute évidence prendre la direction de la FCC. Ce commissaire républicain sera chargé de superviser le programme de l’agence, son parti détenant un avantage de trois contre deux sur les représentants démocrates.

« Il a été très clair, explique Roger Entner. Avec lui, je crois que nous allons voir l’agence mettre plus d’emphase sur le satellite tout en adoptant une position agnostique sur la technologie multimodale pour des programmes comme le BEAD (Broadband Equity Access and Deployment program, destiné à développer l’accès à l’internet haut débit en finançant la planification et le déploiement d’infrastructures NDLR). »

Roger Entner, mais aussi John Strand et Dean Bubley, respectivement analyste chez Strand Consult et fondateur de Disruptive Analysis, s’attendent à voir la FCC et Brendan Carr couper court aux récentes tentatives de ressusciter la neutralité du net, déjà annulée sous la précédent administration Trump.

« Dérégulation, voilà l’ordre du jour », résume John Strand.

Autorité sur le spectre

En mars 2023, la FCC a perdu la mainmise sur les processus de mise aux enchères de spectre – la Chambre des Représentants a voté un texte pour l’étendre, mais le Sénat a été incapable de se mettre d’accord. Les politiciens, les associations de membres de l’industrie et les opérateurs ne cessent de réaffirmer la nécessité de bénéficier d’un surcroît de spectre.

Si la composition finale de la Chambre des Représentants est encore inconnue à l’heure où nous écrivons, les Républicains se sont emparés de la majorité au Sénat.

Pour John Strand, le « Sénat va probablement relancer l’autorisation de spectre et la construction du pipeline, autant de choses dont a cruellement besoin ».

« Il se pourrait bien que Trump aide la FCC à reprendre du poil de la bête, note John  Strand. L’espace et le satellite devraient en principe profiter d’une administration républicaine. »

Dean Bubley estime cependant que la possible allocation d’un supplément de spectre reste une inconnue : « Il y a beaucoup d’intervenants dans ce dossier et il est difficile de savoir qui aura le plus d’influence entre les telcos, les sociétés du câble, le ministère de la Défense (Department of Defense, ou DoD), le satellite et les grands acteurs des TIC comme HPE. »

Roger Entner pense qu’une seconde administration Trump pourrait forcer le DoD à assouplir ses positions : « C’est comme ça qu’on a obtenu le spectre 3,45 MHz. La Maison Blanche est tombée sur le dos du DoD et, d’un seul coup, tout a fonctionné. »

CHIPS Act

Certains Républicains ont fait part ces dernières semaines de leur intention de remanier le CHIPS Act, un texte voté sous la présidence de Joe Biden et qui prévoit le financement à hauteur de 280 milliards de dollars d’un effort massif de réimplantation des semi-conducteurs sur le sol américain.

« Tant les Démocrates que les Républicains veulent rapatrier tout ça, il n’y a donc guère de grande différence entre les deux », commente Roger Entner.

Droits de douane

Donald Trump s’est déclaré en faveur du renforcement des droits de douane visant les biens importés aux États-Unis. Selon Bloomberg, il aurait même menacé de frapper les produits chinois d’une taxe pouvant aller jusqu’à 60 %.

Dean Bubley remarque qu’il est difficile de prévoir l’impact que pourraient avoir ces taxes sur le secteur des télécoms et ce qu’elles pourraient viser. « Elles pourraient aider des équipementiers comme Ericsson à produire aux États-Unis, mais les telcos auront toujours besoin d’importer beaucoup, explique-t-il. La même question se pose pour les puces et les téléphones. »

Régulation

Dean Bubley pense qu’une seconde présidence Trump n’annonce rien de bien pour les géants du tech comme Google et Meta Platforms, « au vu des préoccupations américaines concernant la big tech et la censure. Amazon et Apple et peut-être Microsoft pourraient être moins impactés, mais je n’en suis pas du tout sûr. »

Roger Entner remarque tout de même que, pour le bien ou pour le mal, les télécoms n’ont guère figuré à l’avant-plan des discussions précédant les élections.

« Je ne crois pas que beaucoup de gens soient capables de s’enflammer sur des sujets comme le financement du BEAD ou des choses comme ça. Aucune des deux candidatures n’a été très précise en matière de programme, observe-t-il. Bien des dossiers vont également dépendre de ce qui se passe au Congrès. »